Il était une fois une petite fille,

Il était une fois une petite fille, qui ne se demandait pas ce qu’elle deviendrait car elle n’en avait rien à faire. Pourtant elle faisait, et dévidait sa vie sur un vieux rouet.

Petit à petit, en ne lâchant pas le monde de ses yeux verts.

Et petit petit était son monde.

Quoiqu’il prît le large assez facilement et sans crier gare par les champs et les bois, mais il suffisait de bien le tenir en lisière pour qu’il n’échappât pas complètement au regard.

Le monde avait la taille d’une cour d’école, d’une entrée de mairie et d’une rue en pente qui dévalait jusqu’à une fontaine…

Un monde plein de chemins, de sentiers et de bois et de ronces et de lilas aux branches de cerisiers, de masures dérisoires, de barrières qui s’affaissent, de murets où court peut-être encore du lierre, va savoir !

Et va savoir, maintenant qu’il a grandi, pourquoi elle s’est mise à écrire…

GUADELOUPE KARUKERA - Mulâtre



Je suis tout à la fois le maître et l’esclave,
Le cou serré dans le carcan d’une obscure dialectique,
De quel viol suis-je né antan longtemps ?
De quel consentement ?


Au fond sec des ravines, coule le filet de mon sang mêlé,
Dans la boue saumâtre de la mangrove, mes pas s’enlisent,
Sur les traces détrempées par le grain blanc, je fuis et je poursuis,
Au-dessus du  troupeau courbé dans les champs de canne où je ploie  l’échine, vertical et dur, 
je  dresse le fouet à donner s’il y échet… (1)
Le gwo-ka ne fait pas battre au même rythme mes ailes de papillon…


 
Peau noire et masque blanc, (2)
Masque noir et peau blanche,
Qui hurle en moi, qui soumet, qui se révolte ?


Qui
Brise enfin  les chaînes de mon double  passé… ?
À Pointe à Pitre sur un mur taggué.


LSB 6/05/13

(1) S’il y échet, Code Noir
(2) Peau noire et masques blancs, titre d’un livre de Frantz Fanon.