Il était une fois une petite fille,

Il était une fois une petite fille, qui ne se demandait pas ce qu’elle deviendrait car elle n’en avait rien à faire. Pourtant elle faisait, et dévidait sa vie sur un vieux rouet.

Petit à petit, en ne lâchant pas le monde de ses yeux verts.

Et petit petit était son monde.

Quoiqu’il prît le large assez facilement et sans crier gare par les champs et les bois, mais il suffisait de bien le tenir en lisière pour qu’il n’échappât pas complètement au regard.

Le monde avait la taille d’une cour d’école, d’une entrée de mairie et d’une rue en pente qui dévalait jusqu’à une fontaine…

Un monde plein de chemins, de sentiers et de bois et de ronces et de lilas aux branches de cerisiers, de masures dérisoires, de barrières qui s’affaissent, de murets où court peut-être encore du lierre, va savoir !

Et va savoir, maintenant qu’il a grandi, pourquoi elle s’est mise à écrire…

CESAR, le Rhône pour mémoire, musée d'Arles


Son regard ne portait pas plus loin qu’un fouillis d’algues et de détritus. Dans le brouillard des eaux sales, il s’envasait. Dictateur d’un monde flou, au milieu des épaves que les haleurs n’avaient pas sauvées du naufrage, il avait laissé passé plusieurs siècles à la dérive. Et sa bouche avait pris un pli amer. Mais il n’avait pas abdiqué, certain qu’un jour, à nouveau conquérant, il gagnerait sa bataille muette, et remercierait le grand fleuve de l’avoir englouti pour le ressusciter.

Un plongeur vint, lui hissa la tête hors des flots, transmuant la boue en coulée d’or. Il sortait enfin de la mémoire du Rhône.


Dorénavant, empereur miraculé, lavé de la gangue de l’oubli jusque dans le creux de ses rides, froid et flamboyant, il reste de marbre face à l’éternité. Il a pris la mesure du temps.

LSB, 17/8/10