Son regard ne portait pas plus loin qu’un fouillis d’algues et de détritus. Dans le brouillard des eaux sales, il s’envasait. Dictateur d’un monde flou, au milieu des épaves que les haleurs n’avaient pas sauvées du naufrage, il avait laissé passé plusieurs siècles à la dérive. Et sa bouche avait pris un pli amer. Mais il n’avait pas abdiqué, certain qu’un jour, à nouveau conquérant, il gagnerait sa bataille muette, et remercierait le grand fleuve de l’avoir englouti pour le ressusciter.
Un plongeur vint, lui hissa la tête hors des flots, transmuant la boue en coulée d’or. Il sortait enfin de la mémoire du Rhône.
LSB, 17/8/10