... on a pensé qu’on avait affaire à un meurtre exécuté de sang-froid. Car, s’est-on dit, il fallait en avoir dans les veines du bien glacé pour assassiner un homme aussi tendre et doux que Sigismond Beauregard. Mais on ne savait pas tout de sa vie, qui venait de si mal finir. Il avait pourtant écrit une malencontreuse histoire, qui aurait pu alerter ses lecteurs s’il en avait eu d’assez nombreux : le Sort en est jeté. Le sien, évidemment, aux orties et aux gémonies.
Un exemplaire du livre gisait d’ailleurs sur sa table de travail, sali d’une bave épaisse. Il était ouvert à la page de garde sur laquelle Sigismond était en train de tracer les premiers mots d’une dédicace, devenus, ainsi inachevés, ses derniers. « À Stéphane. Très… » Amicalement sans doute.
On s’affairait autour du cadavre avec précaution. Un peu de recul aussi, il s’en dégageait une odeur qui n’encourageait pas les effusions posthumes. Le poison avait fait rapidement son effet.