Il était une fois une petite fille,

Il était une fois une petite fille, qui ne se demandait pas ce qu’elle deviendrait car elle n’en avait rien à faire. Pourtant elle faisait, et dévidait sa vie sur un vieux rouet.

Petit à petit, en ne lâchant pas le monde de ses yeux verts.

Et petit petit était son monde.

Quoiqu’il prît le large assez facilement et sans crier gare par les champs et les bois, mais il suffisait de bien le tenir en lisière pour qu’il n’échappât pas complètement au regard.

Le monde avait la taille d’une cour d’école, d’une entrée de mairie et d’une rue en pente qui dévalait jusqu’à une fontaine…

Un monde plein de chemins, de sentiers et de bois et de ronces et de lilas aux branches de cerisiers, de masures dérisoires, de barrières qui s’affaissent, de murets où court peut-être encore du lierre, va savoir !

Et va savoir, maintenant qu’il a grandi, pourquoi elle s’est mise à écrire…

Quand on a découvert à terre le corps de Sigismond Beauregard, dont les yeux morts larmoyaient encore de l’épreuve subie,...


... on a pensé qu’on avait affaire à un meurtre exécuté de sang-froid. Car, s’est-on dit, il fallait en avoir dans les veines du bien glacé pour assassiner un homme aussi tendre et doux que Sigismond Beauregard. Mais on ne savait pas tout de sa vie, qui venait de si mal finir. Il avait pourtant écrit une malencontreuse histoire, qui aurait pu alerter ses lecteurs s’il en avait eu d’assez nombreux : le Sort en est jeté. Le sien, évidemment, aux orties et aux gémonies.
   Un exemplaire du livre gisait d’ailleurs sur sa table de travail, sali d’une bave épaisse. Il était ouvert à la page de garde sur laquelle Sigismond était en train de tracer les premiers mots d’une dédicace, devenus, ainsi inachevés, ses derniers. « À Stéphane. Très… » Amicalement sans doute.
    On s’affairait autour du cadavre avec précaution. Un peu de recul aussi, il s’en dégageait une odeur qui n’encourageait pas les effusions posthumes. Le poison avait fait rapidement son effet.

Sa mort semblait sans raison, mais il est vrai qu’elle n’en a jamais de valable.
    Le commissaire a dit : « Cherchons donc ce Stéphane. »

Le livre La bergamote tueuse