Il était une fois une petite fille,

Il était une fois une petite fille, qui ne se demandait pas ce qu’elle deviendrait car elle n’en avait rien à faire. Pourtant elle faisait, et dévidait sa vie sur un vieux rouet.

Petit à petit, en ne lâchant pas le monde de ses yeux verts.

Et petit petit était son monde.

Quoiqu’il prît le large assez facilement et sans crier gare par les champs et les bois, mais il suffisait de bien le tenir en lisière pour qu’il n’échappât pas complètement au regard.

Le monde avait la taille d’une cour d’école, d’une entrée de mairie et d’une rue en pente qui dévalait jusqu’à une fontaine…

Un monde plein de chemins, de sentiers et de bois et de ronces et de lilas aux branches de cerisiers, de masures dérisoires, de barrières qui s’affaissent, de murets où court peut-être encore du lierre, va savoir !

Et va savoir, maintenant qu’il a grandi, pourquoi elle s’est mise à écrire…

VAE



Des creux et des bosses. Des creux puis des bosses qui virent à la rampe. On appelle ça des dénivelés. Quantifiables. Exploitables pour la mesure scientifique des exploits. Pour moi, des suées chaudes et froides, des jambes ankylosées, des crampes, des palpitations, un nez sur le guidon qui n’inspire plus. Et au loin le dos de mon mari de plus en plus petit sur l’horizon.
… Quelle que soit la machine, à col de cygne, le seul facile à franchir, à selle rembourrée pour simuler le confort, à développement surmultiplié pour ne plus tanguer dans les côtes.

Alors tant pis ! Remisons le vélo. Crochetons-le dans le garage et laissons-le rouiller, rayon après rayon.
Et redoublons de randonnées. À pied. Acclimatons les paysages à notre marche forcée. Ils ne défileront plus, c’est sûr, de colline en colline, de Sion ou d’ailleurs, en quelques heures. Ne montreront plus, étalées à coups de pédales, les couleurs vives de leurs images d’Épinal. Et là où je vaque en vacances, sur fond bleu, les galets de la Crau ne se mêleront plus aussi vite aux roches blanches des Alpilles.
Mais quoi ! Si l’on ne peut plus additionner les plaisirs, en avoir encore un, et superbe, y a-t-il vraiment à redire…

C’est alors qu’un jour de grisaille, loin des ciels de l’été, je vois mon sosie, sortie du miroir d’Alice, grimper, alerte, et en vélo la mâtine, une sacrée bosse lorraine. Prendre même le temps, en me croisant, de replacer d’une main sereine la mèche rebelle qui échappe à son casque. Et pédaler sans à-coup, sans rougeur inquiétante, sans crispation suspecte… Avec cependant, il faut le reconnaître, un léger bruit d’insecte qui agite ses élytres.
Pas de bouche bée, me dit mon mari. C’est un VAE.

Curieuse marque, pensé-je.
À moins que cette dame ne monte un sigle.
Vadrouille À l’Envie !
Va comme je te pousse ! Avance ! Et file !,
Valeureuse Amazone Émérite,
Sans Vasouiller, sans Ahaner, sans t’Effondrer ! (éplorée !)

Un VAE ! Un Vélo à Assistance Électrique !
Ah ! L’engin n’est pas factice, ni magique, malgré le coup de pouce et de pousse de la fée électricité !
Où peut-on se le procurer ?, demandé-je, plus alléchée ma foi que le renard par le fromage odorant du corbeau. Chez son marchand de cycles habituel ?
Sans doute !
J’y cours, j’y vole pour me venger enfin je l’espère, de tous mes déboires vélocipédiques.

Là, on me Vante les Avantages Évidents du produit !
Un essai, madame ?
Pourquoi pas !
D’abord maîtriser la machine. Je fais manège dans un parking. Puis tenter l’aventure, par petits monts et grands vaux, sur un parcours bien conçu pour juger du vélo. Oh ! Oh ! J’atteins, Vaillante, À corps perdu, Énergique, plus de 15 kilomètres dans les bosses et tout ce que je veux dans les creux !
Coup de foudre ! J’achète.

Et depuis, satisfaite de mon emplette, je dénivelle à tour de roues…
Des hauts de Nancy aux bas des Vosges, des bas de Camargue aux hauts des Baux !
Et mes distances parcourues battent sans mal tous mes records…