G. écrit à son tour, pourquoi pas ? Il a encore un peu
de temps avant de partir pour le conseil de classe. Et puisqu’il est Guignol…
Guignol se prépare pour le spectacle de ce soir. Il a mis sa
redingote marron, fait briller ses boutons dorés, disposé avec attention son
nœud rouge et placé sur sa tête son chapeau de cuir noir auquel il a cousu une
longue natte de cheveux bruns.
Dans sa serviette, il a rangé son carnet de notes, et
quelques documents de l’ONISEP, afin de ne pas être pris de court. Il a aussi
le dernier texte de Snorgle, qu’il a déjà recopié et placé dans ses archives.
« Madon était bon enfant, mais il n’aimait pas qu’on
disposât de lui sans son accord, ni qu’on lui imposât quoi que ce fût. La
liberté pouvait lui déplaire si on la lui offrait. Il la jetait alors aux
orties et s’en souciait comme d’une guigne, pourtant cerise rouge et sucrée,
d’habitude à son gré. C’est pourquoi, quand la parole lui a été donnée, il l’a
rendue sans un mot. »
Guignol tourne sur lui-même et regarde son reflet dans la
glace, prêt même à en découdre avec lui. Si la parole lui est donnée, il en
usera volontiers.
Salle du conseil.
— Quelle tenue !
Vous êtes fou ?!
— N’est-ce pas ?
Bien entendu, Monsieur le Principal !
— Allez-vous
changer !
— Guignol je
suis ! Guignol je reste !
— Retirez au moins
cette tresse ridicule !
Guignol obtempère.
Le principal fait entrer les délégués des parents et des
élèves.
Guignol leur sourit, et bat des mains.
Il écoute le lent défilé des noms, les remarques acides
acerbes louangeuses contradictoires sans fondement réfléchies éclairées inutiles,
les échanges courtois discourtois haineux cruels et perfides. Il regarde, la
tête penchée de compassion, s’effondrer les blessés, rougir les vexés, tomber
les dignités.
— Nous voulons aussi
évoquer les plaintes que nous avons reçues concernant Guignol, dont les cours
ne respectent pas les Instructions Officielles, et…
— J’en fais fi, il
est vrai, dit Guignol. Je préfère suivre mes pédagogiques impulsions.
— Il est
invraisemblable !, inadmissible !, qu’un professeur fasse ainsi le
guignol, même si c’est son nom !, dit la mère patentée de l’élève Adrien.
— T’es mal barré, mon
pauvre, glisse Fred à Guignol.
Qui déclare :
— Je cesserai de
faire le gugusse quand on cessera de me prendre pour tel, Madame. Sur ce, je
vous tire mon chapeau de canut, et je vous place sur la longue liste de mes
suspects.