Un
trou d’une heure.
Il
est tout seul dans la salle des profs. Il ouvre la porte de son casier.
Une
feuille sur les conseils de classes, dates et horaires. Il faudra qu’il
revienne le lundi 26 alors qu’il n’a pas cours l’après-midi. Tant pis ! Et
la journée du 30 va être chargée ! Deux conseils à la suite, dont celui
des 3.2. Mais il fera sa figuration comme prévu.
Une
enveloppe, qu’il décachette. Une lettre pliée en quatre.
« Guignol,
comme G.,
C’est
bien toi, ça !
On
te prévient, mon pote, tu vas en baver des ronds de chapeaux.
C’est
pas pour dire, mais ta tête de G. comme Grand Dadais, elle ne revient à
personne ! Encore moins que celle de Poltron, Potiron, le P.
Oh,
les copies, les copies ! Compte les bien ! Tu vas en avoir le
tournis !
Et
les ennuis, les ennuis ! Les soucis, les soucis ! Aussi !
Bien sûr qu’on
ne signe pas ! On n’est pas des Mongols !
PS.
Tu remarqueras, que comme t’es prof de français, on a soigné
l’orthographe ! (comme on va te soigner !) »
Il
range la lettre dans son sac. Il n’a pas besoin de la relire. Il ne lui fera
pas cet honneur, ni de bras du même nom, non plus.
Il
prend les Aventures de Madon. Il n’a
pas le temps de commencer sa lecture qu’il entend monter dans une pièce voisine
des sanglots féminins.
— Marie-Paule, dit Fred, en entrant.
Tiens ! Le principal se rue ! Elle est dans la salle des
photocopieuses. Son mari vient de la quitter. Ça ne va pas fort. Mais ça n’a
jamais été fort.
— Elle est jolie.
— Mauvais prof ! Je te préviens parce que
tu es nouveau ! Mais tu t’en rendras vite compte toi-même. Psychorigide,
et pas bout en train du tout, comme tu peux le constater ! Toujours à
hurler ! Les gosses se régalent. En un rien de temps, ils la mettent sur
le flanc.
— Elle a reçu des lettres anonymes ?
— Non, pourquoi ? Quelle drôle
d’idée !
— Et P. ?
— Pas que je sache !
— Ne t’inquiète pas ! C’est juste pour mon
enquête !
— Ton enquête ?
— Copies volées !
— Ah ! Et alors, qu’est-ce qu’elle donne
ton enquête ?
— Secret professionnel, tu t’en doutes !
— Si je peux coopérer…
— Tu viens de le faire !
Fred
s’assoit devant l’ordinateur.
— Faut que je rentre mes notes. T'en as pas
besoin ?
— Non, non ! Les miennes ne vont pas
compter pour ce trimestre. Ils n’auront que celles de P.
— OK. Mais tu verras ! Le logiciel qu’on a
n’est pas terrible ! Au lycée, ils en ont un, c’est autre chose. Mais
c’est le lycée !
G.
retourne à Madon. Sous les doigts de
Fred le clavier crépite.
Madon…
La
porte est violemment poussée.
— Désolée, dit Marie-Paule, le nez rouge, un
mouchoir à la main. Il paraît qu’on m’entendait à tous les étages.
Madon a pensé qu’il…
— Fred, il faudrait que tu me laisses
l’ordinateur. J’ai toutes mes notes à rentrer.
Fred
ne répond pas.
— Je te parle !
— J’ai entendu ! Mais si tu permets, je
termine d’abord.
— Merci pour ta compréhension !
Fred
ne répond pas.
Madon
a pensé qu’il était temps d’avoir une aventure. Il…
Marie-Paule
renifle, et tente de sortir des livres de son sac. Une copie tombe sur la
table, chiffonnée. Elle pousse un cri.
— Mais c’est pas à moi ça ! Devoir de
Français ! Vincent ! 12 !
G.
sursaute.
— C’est celle que j’ai perdue ! Ou… qu’on
m’a volée !
— Qu’est-ce qu’elle fait dans mon sac ?
— Elle épaissit le mystère, dit Fred.
G.
la ramasse et la retourne. En rouge, il est écrit :