Il était une fois une petite fille,

Il était une fois une petite fille, qui ne se demandait pas ce qu’elle deviendrait car elle n’en avait rien à faire. Pourtant elle faisait, et dévidait sa vie sur un vieux rouet.

Petit à petit, en ne lâchant pas le monde de ses yeux verts.

Et petit petit était son monde.

Quoiqu’il prît le large assez facilement et sans crier gare par les champs et les bois, mais il suffisait de bien le tenir en lisière pour qu’il n’échappât pas complètement au regard.

Le monde avait la taille d’une cour d’école, d’une entrée de mairie et d’une rue en pente qui dévalait jusqu’à une fontaine…

Un monde plein de chemins, de sentiers et de bois et de ronces et de lilas aux branches de cerisiers, de masures dérisoires, de barrières qui s’affaissent, de murets où court peut-être encore du lierre, va savoir !

Et va savoir, maintenant qu’il a grandi, pourquoi elle s’est mise à écrire…

Dans la salle des profs


Un trou d’une heure.
Il est tout seul dans la salle des profs. Il ouvre la porte de son casier.
Une feuille sur les conseils de classes, dates et horaires. Il faudra qu’il revienne le lundi 26 alors qu’il n’a pas cours l’après-midi. Tant pis ! Et la journée du 30 va être chargée ! Deux conseils à la suite, dont celui des 3.2. Mais il fera sa figuration comme prévu.
Une enveloppe, qu’il décachette. Une lettre pliée en quatre.

« Guignol, comme G.,
C’est bien toi, ça !
On te prévient, mon pote, tu vas en baver des ronds de chapeaux.
C’est pas pour dire, mais ta tête de G. comme Grand Dadais, elle ne revient à personne ! Encore moins que celle de Poltron, Potiron, le P.
Oh, les copies, les copies ! Compte les bien ! Tu vas en avoir le tournis !
Et les ennuis, les ennuis ! Les soucis, les soucis ! Aussi !

Bien sûr qu’on ne signe pas ! On n’est pas des Mongols !

PS. Tu remarqueras, que comme t’es prof de français, on a soigné l’orthographe ! (comme on va te soigner !) »

Il range la lettre dans son sac. Il n’a pas besoin de la relire. Il ne lui fera pas cet honneur, ni de bras du même nom, non plus.
Il prend les Aventures de Madon. Il n’a pas le temps de commencer sa lecture qu’il entend monter dans une pièce voisine des sanglots féminins.
—   Marie-Paule, dit Fred, en entrant. Tiens ! Le principal se rue ! Elle est dans la salle des photocopieuses. Son mari vient de la quitter. Ça ne va pas fort. Mais ça n’a jamais été fort.
—   Elle est jolie.
—   Mauvais prof ! Je te préviens parce que tu es nouveau ! Mais tu t’en rendras vite compte toi-même. Psychorigide, et pas bout en train du tout, comme tu peux le constater ! Toujours à hurler ! Les gosses se régalent. En un rien de temps, ils la mettent sur le flanc.
—   Elle a reçu des lettres anonymes ?
—   Non, pourquoi ? Quelle drôle d’idée !
—   Et P. ?
—   Pas que je sache !
—   Ne t’inquiète pas ! C’est juste pour mon enquête !
—   Ton enquête ?
—   Copies volées !
—   Ah ! Et alors, qu’est-ce qu’elle donne ton enquête ?
—   Secret professionnel, tu t’en doutes !
—   Si je peux coopérer…
—   Tu viens de le faire !
Fred s’assoit devant l’ordinateur.
—   Faut que je rentre mes notes. T'en as pas besoin ?
—   Non, non ! Les miennes ne vont pas compter pour ce trimestre. Ils n’auront que celles de P.
—   OK. Mais tu verras ! Le logiciel qu’on a n’est pas terrible ! Au lycée, ils en ont un, c’est autre chose. Mais c’est le lycée !
G. retourne à Madon. Sous les doigts de Fred le clavier crépite.
Madon…
La porte est violemment poussée.
—   Désolée, dit Marie-Paule, le nez rouge, un mouchoir à la main. Il paraît qu’on m’entendait à tous les étages.
Madon a pensé qu’il…
—   Fred, il faudrait que tu me laisses l’ordinateur. J’ai toutes mes notes à rentrer.
Fred ne répond pas.
—   Je te parle !
—   J’ai entendu ! Mais si tu permets, je termine d’abord.
—   Merci pour ta compréhension !
Fred ne répond pas.
Madon a pensé qu’il était temps d’avoir une aventure. Il…
Marie-Paule renifle, et tente de sortir des livres de son sac. Une copie tombe sur la table, chiffonnée. Elle pousse un cri.
—   Mais c’est pas à moi ça ! Devoir de Français ! Vincent ! 12 !
G. sursaute.
—   C’est celle que j’ai perdue ! Ou… qu’on m’a volée !
—   Qu’est-ce qu’elle fait dans mon sac ?
—   Elle épaissit le mystère, dit Fred.
G. la ramasse et la retourne. En rouge, il est écrit :
«  Alors, Guignol comme G. Ça t’épate ? »


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